Le résultat de la culture
de séparation, particulièrement développée en France, c'est un nombre croissant
de mères qui font des dépressions du post-partum (dans les mois qui suivent la
naissance), des jeunes mamans qui sont perdues au milieu de tous les conseils
contradictoires qui leur sont délivrés de tous côtés par la famille, les
relations, les médias ; des femmes tiraillées entre leur instinct maternel qui
les incite à materner et l'entourage familial et social qui prône la séparation
et la "mise au pas" du bébé.
Mais les conséquences de
l'absence de maternage ce sont surtout des enfants pas du tout ou très peu
allaités, peu portés, qui ont bénéficié de très peu de contacts peau-à-peau,
qui sont sommés de s'endormir seuls, dans une pièce à part, parfois en
pleurant, et qui, pour finir sont confiés durant de longues journées à des
personnes qui leur sont étrangères à l'âge de 10 semaines selon le congé de
maternité français.
L'absence d'allaitement (et
l'allaitement court) a de très nombreuses répercussions en terme de santé
physique, pour les enfants mais aussi pour leurs mères, et des conséquences
financières importantes pour les familles et les sociétés.
Mais les conséquences majeures du non-maternage sont psychologiques. Elles se
retrouvent tout au long de la vie avec des relations parents-enfants
difficiles, une forte croissance du recours au soutien psychologique pour les
enfants, l'augmentation des dépressions, des suicides et des comportements
toxicomaniaques des adolescents, et plus généralement l'accroissement de la
violence de la société, dont les racines sont à chercher dans un développement
bancal de la capacité d'aimer de nos enfants. En effet, en l'absence de
maternage, et de prise en compte de leurs besoins et de leur rythmes, les
enfants ressentent une carence affective à un âge précoce où ils n'ont pas les
ressources nécessaires pour le comprendre et l'accepter. Ce qui est bien
logique, puisque c'est justement dans la petite enfance que se fabrique la
sécurité affective, qui est le socle de toute la construction de
l'individualité. Un sentiment profond de frustration s'inscrit alors en
l'enfant non materné. Cette frustration qui influence le comportement à tout
moment est tout à fait visible dans les relations entre enfants au square ou à
l'école, incapables de prêter, de demander sans prendre de force, de faire
preuve d'empathie au lieu de moquerie. Cette frustration se retrouve aussi dans
les relations parents-enfants qui sont entâchées d'un besoin permanent de
l'enfant de vérifier l'amour de ses parents, d'autant plus s'il ne reçoit que
colère et punition en retour de ses provocations. Enfin, cette frustration se
retrouve chez l'adulte, jamais satisfait de son sort, de plus en plus prêt à
tout pour "réussir", de plus en plus individualiste, égoïste et
indifférent à la souffrance d'autrui, de plus en plus infantile et
irresponsable.
MEFAITS DE L'ABSENCE DE MATERNAGE
En ce qui concerne la fréquence des tétées et leur impact sur la liberté de
la mère, la boulimie, l'anorexie ou quoi que ce soit du même ordre, et sans
vouloir prendre parti (chacun fait du mieux qu'il peut en fonction de son vécu
et de sa situation personnelle), il semble fort que ce genre de question soit
essentiellement en rapport avec notre culture et notre mentalité occidentale.
Dans de nombreux pays, l'enfant vit en permanence contre sa mère. Des
anthropologues ont étudié les différences dans le maternage des enfants en
fonction des cultures et des pays. Les mères vivant dans de nombreux pays sont
scandalisées lorsqu'on leur parle des habitudes chez nous concernant les
enfants (bébé nourri à heure fixe, devant dormir dans un berceau...). Et elles
n'arrivent pas à comprendre pourquoi les mères occidentales considèrent
qu'avoir leur enfant en permanence contre elles est un esclavage ; pour elles,
cela constitue un plaisir, non une charge. Le bébé africain porté dans une
écharpe apprend très vite à "se servir" tout seul. Des études ont
relevé des fréquences de tétées de 50 à 60 par 24 heures (sans même que cela
réveille la mère pendant la nuit) ; d'autres ont retrouvé des fréquences de 20
à 30 tétées par jour chez les enfants entre 1 et 2 ans. Dans ces pays, les
mères ne se posent pas de questions sur le rôle exact du sein. Et je ne suis
pas sûre que les gens vivant dans ces pays ont plus de problèmes psychologiques
que nous.
Dr Françoise Railhet
Le résultat de nos croyances est une culture qui ne sait plus s'occuper
normalement de ses enfants, une culture caractérisée par la perte des relations
interpersonnelles chaleureuses et riches en contacts physiques. Une culture qui
considère les soins à donner aux enfants comme une corvée.
M Commons et P Miller. Professeurs de psychiatrie à l'Ecole de psychiatrie
de Harvard. Hardward Gazette, Fév 99.
Le non respect des besoins du bébé peut induire à long terme des troubles de
la personnalité. En effet, on a observé des modifications cérébrales physiques
irréversibles induites par le stress chez les nourrissons. Dans les cultures occidentales,
les enfants sont encouragés à devenir indépendants et à se débrouiller seuls
aussi rapidement que possible. Or, bien souvent, ils n'ont pas les ressources
physiques et émotionnelles pour faire face à bon nombre des situations
auxquelles on les confronte. Dans d'autres cultures, les enfants sont
encouragés à demander aux adultes le contact physique et le soutien émotionnel
dont ils ont besoin. Ils sont en contact physique avec d'autres personnes
pendant la majeure partie du temps. Ils dorment en contact avec leurs parents.
Nous observons actuellement dans nos sociétés une importante augmentation des
névroses, obsessions et phobies, troubles qui sont rares dans les cultures
traditionnelles. Ces troubles de sont pas toujours dus aux stress vécus dans la
petite enfance, mais ces derniers jouent certainement un rôle important.
M Commons. Harvard Medical
School. Health and Science, 1998.